Un ouvrage rafraichissant à lire pour sa multitude de bonnes idées.

Je me suis procuré la version roman papier, plus confortable à mon sens. Je ne regrette pas l'achat. On passe de très bons moments, du début à la fin (et surtout à la fin, d'ailleurs, que j'ai vraiment appréciée, notamment concernant les révélations sur Neuhman, sans chercher à spoiler).

C'est un roman que je classe dans les "Et si...?" Que se passerait-il si l'on avait fait les choses différemment ?

Je l'avoue, le duo Gody-Neuhman m'avait un peu ennuyé au début car nous retrouvions une relation stéréotypée entre le petit chef crispant (et dont j'avais deviné dès le départ les penchants naturels) et l'employée révoltée mais ô combien talentueuse parce que voilà, c'est la gentille de l'histoire. Cependant, c'est justifié car Nova n'était rien d'autre qu'une copie simplifiée de cette Terre, quittée 500 ans plus tôt suite à la bêtise humaine.

Et justement, l'auteur propose une alternative à ce modèle tout aussi défectueux que pernicieux (ce fameux Protocole !). Au fil de la lecture, on s'évade, on avance dans le bon sens, et j'ajouterais "de manière naturelle". Rien n'est forcé (bon, à part les romances, mais c'est de l'agrément, je me concentre sur la trame principale ici = la survie).

La société n'est même pas matriarcale. C'est une société de simple bon sens. Chacun se spécialise dans la tâche dans laquelle il est le meilleur (et inévitablement, les hommes chassent et procréent, même si ce n'est pas automatique, tout dépend des compétences individuelles). En économie, nous appelons tout simplement ceci la "division du travail". La théorie existe depuis très longtemps, et pourtant dans les faits, nous ne sommes toujours pas parvenus à trouver un équilibre convenable.

Ce roman le fait. Quand bien même il faudrait souligner que ce qui fonctionne en petite communauté ne tiendrait pas forcément la route à plus grande échelle, rien que pour en avoir eu l'idée et en avoir proposé une histoire complète, remercions l'auteur !

Beaucoup de moments très sympathiques. J'ai bien entendu apprécié les épisodes de survie, la place des femmes, l'organisation de la société, l'humour ("Nan je ne fricote pas avec les hommes" - "Allez viens Gody, Néo nous attend" = c'était du grand art !) et puis merde, ne passons pas sous silence le boulot effectué pour créer une langue tout à fait crédible !

Allez, il faut garder un aspect critique aussi. Il y a tout de même quelques facilités scénaristiques (le clan de Milé, la diabolisation de Neuhman, des humains "décadents" ayant passé 500 ans dans une station spatiale mais connaissant tout de l'ancienne Terre grâce à cette archiviste surdouée). Cependant, tout ceci sert à l'essentiel : passer un message de paix, et montrer que des alternatives sont possibles.

Aussi, certains concepts sont répétés un peu trop souvent à mon gout. Plutôt que de faire réfléchir Gody à "avant c'était comme cela, chez Tsilla c'est mieux", je trouve plus intéressant de montrer plutôt qu'expliquer. Le message s'imprime plus facilement.

Une belle aventure. Un livre que j'aurai plaisir à relire !

En lisant ce livre, j'ai pensé à Robinson Crusoe et j'ai vu que l'auteur le mentionne aussi. C'est l'un des premiers ouvrages que j'ai lus et il m'a profondément marquée. Quitter un monde connu pour en découvrir un autre, c'est une expérience qui permet un double regard sur ce qu'on laisse derrière soi et ce qu'on trouve.
Ici, dans Planetae, des êtres humains quittent un monde régi par l'intelligence artificielle sur une station spatiale pour se retrouver propulsé en arrière dans le temps sur une planète qui ressemble à ce que fut la terre il y a un peu plus de dix mille ans. Ils quittent un monde froid, aseptisé, sans grandes surprises, où tout est codifié selon un protocole strict, pour un autre, vierge, pur, auquel ces migrants de l'espace et du temps vont devoir s'adapter. Ils découvrent au contact des planètariens la nature, ses bienfaits, des bonheurs tout simples qui les amènent à remettre totalement en question leur ancien mode de vie.
Emmanuel a fait assurément un travail considérable de documentation dans divers domaines concernant la vie de nos lointains ancêtres. C'est avec une précision extrême qu'il décrit des scènes de chasse et de pêche, des festivités, des manifestations sportives également. Nous apprenons comment on cuisinait, conservait les aliments, comment on s'habillait et se reproduisait. Tout était pensé par des êtres intelligents dans un esprit de solidarité et de partage total. Il a fallu beaucoup d'imagination pour rendre compte de tous les détails. Les paysages sont aussi remarquablement dépeints, on se les représente parfaitement.
Peut-être y a-t-il des inexactitudes, comment savoir si l'homosexualité
et le sentiment amoureux d'une manière générale existaient vraiment ? Qu'importe ! On se laisse emporter par la douceur et la profondeur de l'amour et de la sororité.
L'auteur invente peut-être comme il invente un langage qui me semble avoir inspiré les langues indo-européennes.
Le livre se lit facilement, l'écriture est fluide, j'ai seulement eu du mal à saisir le dernier chapitre très technique.
Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, j'y reviendrai peut-être après une deuxième lecture.

Roman d'amours et d'aventures, roman d'anticipation, roman (pré) historique, mais aussi réflexion sur l'histoire de l'humanité et le rôle que les femmes y ont eu et qu'on a oublié, essai sur le langage également, ce livre est passionnant de bout en bout, d'une très grande richesse et d'une belle écriture.
Et il n'assène rien, il laisse au lecteur son entière liberté.
Un livre qui compte dans la vie d'un lecteur.